Intervieuw Olivier Dupuis avril 2020

Voici la retranscription d'un intervieuw par un étudiant de l'ULB sur ma pratique où vous pouvez y voir certains points importants de mon travail avec les enfants, adultes, couples et famille. Veuillez excuser le style qui correspond au langage oral de l'intervieuw:

M: " Comment s’organise votre pratique de clinicien au jour le jour (cadre de travail, population de patients, types d’activités, d’outils proposés, pratique) ? :

OD: “Je suis psychologue clinicien indépendant à temps complet, j’organise donc mon travail et mes rendez-vous de manière libre. Ceci contraste avec le travail de salarié que j’ai réalisé durant des années et qui s’inscrit dans une dynamique institutionnelle et d’équipe, où des contraintes diverses existent: contraintes horaires, philosophie d’équipe, réponse aux attentes des organismes qui subventionnent et donc réponse parfois politique et pas toujours dans l’intérêt du patient, jugement des collègues, clans et problèmes de harcèlement ou de burn-out, conflits d’équipe...C’est une liberté fantastique d’être indépendant, tout en travaillant en collaboration l’extérieur lorsque nécessaire (médecin, …). Il y a également la joie d’avoir des co-locataires  où une relation authentique peut se créer... 
 Je réalise des consultations cliniques et des supervisions de professionnels, et je reçois tant les adultes que les enfants, en individuels, couple ou famille.  Je reçois à Bruxelles: à Schaerbeek, Molenbeek-Saint-Jean, et à Woluwé-Saint-Lambert. Pour les enfants en particulier (et pour les adultes également), je travaille avec les familles dans un cadre systémique, c’est-à-dire que je recontextualise le problème de l’enfant par rapport à ses différents groupes d’appartenance (l’école, la classe, la famille etc.) ou un traumatisme (harcèlement, agression, violence scolaire ou familiale,…). Cette vision du contexte,  parce que majoritairement,  les problèmes des enfants sont des réactions à quelque chose qui se passe dans  leur entourage . On a souvent tendance à enfermer les enfants , et les adultes également d’ailleurs,  dans des étiquettes individuelles souvent erronées et jugeantes: “hyperactivité”, ‘trouble de l’attention et concentration”, “pervers narcissique” utilisé à outrance pour expliquer tous les problèmes relationnels avec les hommes, “Bipolaire”,...Je suis donc très très prudent au niveau des diagnostics, et je reste très respectueux de la personne que je considère  comme un Sujet répondant à un contexte difficile, et non un diagnostic, sorte d’étiquette hérité de la médecine occidentale. Si cette question du diagnostic est souvent utile voire indispensable en médecine classique, elle est souvent inadéquate en psychologie. Je suis entrain de réaliser un article à ce sujet qui sortira cette année . 
Mes types d’activités consistent donc en des entretiens individuels avec des adultes principalement et des enfants , des entretiens familiaux avec enfants et famille (et de temps en temps des adultes avec les familles aussi) , et j’assure également des psychothérapies de couple, de même que des supervisions. 
En ce qui concerne les outils, bien qu’il y en ait d’autres sans reconnaissance officielle,   il y a 3 grands modèles reconnus en psychothérapie : la psychothérapie analytique (psychanalyse), la psychothérapie systémique et la psychothérapie cognitivo-comportementale. Souvent , un psychologue ne se spécialise que dans un de ces modèles. Personnellement, je me suis formé aux trois modèles J’ai commencé par la psychanalyse, et  j’ai suivi ensuite  une formation longue  en psychothérapie systémique (2008- 2011). La systémique consiste à remettre les symptômes dans leur contexte, dans un système (la famille, le couple, l’école, les groupes d’appartenance, le travail etc.) Il faut donc toujours relier le symptôme au contexte dans lequel il est apparu et s’intéresser à ses fonctions. C’est très important, il faut toujours avoir cette vision làcar si on dit par exemple que quelqu’un est dépressif et on lui donne un médicament sans voir ce qu’il y a derrière ni dans quel contexte cette “dépression “ s’inscrit,  cela n’a aucun sens:  il faut travailler sur le contexte, sinon le problème subsiste et la médication va d’abord au mieux masquer le problème, et aggraver  ensuite la situation! C’est comme une fuite d’eau par le plafond d’une cuisine: si on repeint sans chercher la cause de la fuite, on va d’abord être soulagé, mais les problèmes vont s’aggraver.  En ce sens, les thérapies psychanalytique ou cognitivo –comportementale pures sont souvent  inutiles voire aggravantes,  si elles ne  prennent pas en compte le contexte systémique de la personne , ce que fait tout psychologue ou thérapeute adéquat.  
Au sujet des thérapies cognitivo-comportementales, je me suis formé de manière privée chez le Docteur Boon Henry, ces thérapies  proposent des outils plus pratiques, plus concrètes pour changer les comportements problématiques et les cognitions  (distorsions cognitives), tout en resituant le contexte. La systémique propose également souvent des outils très pratiques d’ailleurs.  Donc, il faut adapter au cas par cas le modèle que l’on va utiliser, aucun modèle n’est le modèle de tous les modèles. Pourtant, les psychologues prônent souvent pour un modèle au détriment total des autres approches pourtant essentielles et minimales pour être psychothérapeute. En général, je commence par un à trois entretiens préliminaires et puis on décide si l’on s’oriente vers une thérapie psychanalytique, systémique ou cognitivo-comportementale. Parfois, on associe plusieurs modèles dans la thérapie.  
J’assure également des supervisions de professionnels.  Entre les consultations, il faut préparer les entretiens, faire des rapports dans certains cas,  aller voir un superviseur, écrire des articles, lire des livres, continuer à se former,…" 

M Quel est l’impact de coronavirus sur cette pratique ? 

OD: "Beaucoup de monde annule évidemment. Nous sommes obligés par la commission des psychologues de favoriser les télé-consultations, ce qui personnellement ne me convient pas et qui en plus ne convient pas aux patients, la preuve c’est qu’il y a très peu de demandes. Cependant, pour les entretiens que j’ai pu faire, c’était avec des gens qui en avaient vraiment besoin, je me suis donc mis à 100% et ça s’est bien passé et j’ai obtenu des résultats mais sur le long terme je pense que les gens ont besoin de contact. Par contre, on peut paradoxalement constater l’augmentation d’un certain mal-être lié à cette situation : un sentiment d’enfermement et une anxio-dépression réactionnelle au contexte, une certaine paranoïa, les gens s’observent, des dénonciations, bref un climat d’insécurité et de paranoïa qui s’installe et qui favorise le repli sur soi et la tendance égocentrique, individualiste de la culture occidentale. D’un autre côté, les gens commencent aussi à réfléchir et à s’apercevoir de l’importance du lien social, la chance de pouvoir aller dans un café, au cours etc.  En tout cas, il y a une baisse de 80 à 90% de patientèle. Heureusement le gouvernement fournit une aide financière de 1290  euros aux indépendants.. ."

M: Qu’est-ce-qui vous passionne le plus dans votre travail ?

OD: "Aider les gens et voir des résultats. L’objectif est que les patients reviennent 3, 4 fois, auquel cas on peut généralement poursuivre jusqu’à 5 à 10 entretiens, c’est à ce moment qu’on peut observer dans 90% des cas des résultats. Certaines personnes se découragent après 1 ou 2 séances parce qu’elles ne constatent pas de résultat et se découragent. Cela dépend un peu s’il y a une accroche ou pas. Autre passion: aider les personnes les plus en difficulté, les plus angoissées, qui sont en demande d’aide. Pour moi c’est parfois plus motivant d’aider une personne qui est en très grande souffrance et qui me demande de l’aide. Je peux la rassurer: ce n’est pas la seule qui a des angoisses, il ne faut pas tout de suite prendre des médicaments, il y a d’autres alternatives, il faut laisser le temps et faire confiance à l’esprit humain qui a les défenses nécessaires pour se remette. Il existe des techniques simples. Dans certains cas, 25%, mon travail consiste simplement à motiver les gens à faire par exemple un peu de sport si il n’ y a pas d’avis médical, ou faire de la relaxation, imagerie positive et sophrologie. Les gens appellent parce qu’ils sont stressés, angoissés et se ruent parfois vers les médicaments alors qu’il suffit de les orienter vers une pratique qui pourrait les détendre. Il ne s’agit pas simplement de leur dire « faites du sport »  mais plutôt comment les amener à faire un peu de sport et à organiser leur temps de manière à avoir un autre vécu et regard sur la vie.  
Avant, j’aimais aussi travailler dans les centres de jour, ce qu’on appelle la psychothérapie institutionnelle. Il y a l’aspect thérapie individuelle évidemment mais le groupe aussi est très important. En Belgique nous sommes dans une culture individualiste et il y a un manque cruel de groupes d’appartenance. Or, un centre de jour, c’est justement un groupe. Ce sont des centres où les gens qui sont en difficulté et qui n’arrivent plus à vivre à l’extérieur peuvent aller la journée et faire des activités, encadrés par des psychologues et des psychiatres dans un but de réinsertion sociale. Peut-être aimerais-je le refaire un jour car c’est un bon moyen d’aider les gens. Car, je me répète,  il n’y a pas que les entretiens individuels ou les médicaments, certainement pas. Il y a aussi le lien social, le lien avec les autres. Par ailleurs les centres de jour offrent aussi une alternative à l’hospitalisation, hopstitalisation qui est plus glauque, ne permet pas ou peu de sortir et amène presque automatiquement beaucoup de médicaments. Le passage par un hôpital demande de préparer le retour à l’extérieur alors que dans un centre de jour offrent déjà des activités avec l’extérieur. En ce sens je les trouve très importants : ils ne se limitent au au travail individuel mais orientent les gens vers le lien social. Il y a également des équipes à domiciles issues du réseau 107 qui sont de formidables alternatives à l’hospit 

M: Qu’est-ce-qui vous semble le plus difficile dans votre travail ? 

OD: Un certain nombre de demandes sont « orientées résultat », c’est lié à notre culture. Les gens veulent des résultats immédiats, des conseils et des réponses tout faits. C’est en général ce qu’ils recherchent à l’extérieur, chez des parents ou des amis mais souvent ça ne suffit pas alors ils se tournent vers une aide extérieure. Le travail en psychothérapie est et doit être différent, c’est aider la personne à travailler avec ses propres ressources, mais ce n’est pas le thérapeute qui va donner ses propres réponses, ce qui prend un peu de temps, alors que les gens veulent des résultats immédiats. C’est ce qui est le plus difficile à comprendre pour les gens. C’est comme une grippe, il faut une semaine pour pouvoir en sortir et il y a encore 3 semaines où on est très fatigué Si on veut changer des comportements ou angoisses qui sont là depuis longtemps, ce n’est pas en une fois. Sauf à prendre des médicaments qui ont un effet droguant  mais qui sont de moins en moins utilisés car il y a certes un effet immédiat mais la personne devient souvent accroc, doit augmenter les doses et donc ne guérit pas réellement ,... 
Ce qui est aussi difficile c’est de voir des enfants dans des situations difficiles, séparés de leurs parents ou pris en otage dans des conflits familiaux. Certains juges malheureusement séparent totalement les enfants de leurs parents alors que, même s’il y a des difficultés, il faut travailler ces difficultés avec les parents, il ne faut pas couper le lien. Couper un enfant de ses parents, c’est le pire, il n’a plus aucun repère, il est complètement perdu et soumis à une angoisse extrême, bien pire que celle de voir ses parents qui se disputent par exemple, même si cette situation est à ttavailler.  Voir des enfants qui souffrent, qui sont maltraités, que ce soit par leurs parents ou par le système de soin est très difficile. On voit ainsi parfois des enfants qui sont un peu difficiles en classe, on les catégorise très souvent comme “hyperkinétique” alors que dans la majorité des cas c’est tout à fait normal d’être hyperactif, et aucunement une maladie ; un enfant de 8 ans n’est pas fait pour rester assis des heures sur une chaise, c’est un apprentissage. Un enfant est fait  pour courir dans tous les sens comme on les voit le faire dans la cour de récréation. A chaque fois qu’un enfant ne parvient pas à s’adapter, on le catégorise comme enfant à problème, comme trouble du comportement, hyperactivité etc et on lui donne parfois des médicaments comme de la rilatine, un dérivé de la cocaïne. Beaucoup d’adultes sont drogués à la cocaïne et on donne ça à des enfants de 6-7 ans ! Au lieu de se dire que c’est un enfant qui peut-être a des problèmes familiaux ou en classe, qu’il est harcelé ou peut-être n’arrive-t-il pas à s’adapter à rester assis, on le catégorise comme enfant à problème. Certains professeurs ne sont pas dupes et savent qu’on peut faire autrement, et d’autres renforcent et enferment l’enfant dans cette image en l’envoyant par exemple au centre PMS ou chez un psychiatre-psychologue,...avec comme conséquence que l’enfant va se sentir encore plus mal sans être capable de le verbaliser,. Il va donc  le manifester par des “troubles “ du comportement (agressivité, retrait, énurésie,...autant signe de souffrance extrême). Les enfants sont plus maltraités  qu’on ne le pense, sans que ce soit volontaire, alors qu’il faut toujours positiver avec un enfant , toujours le rassurer.